première diffusion octobre 2009 - dernière mise à jour juin 2012 (mais toujours à peu près d'actualité, même 10 ans plus tard !)
Imaginer limiter l'impact sur le climat des véhicules en se focalisant sur leur consommation (par une taxe au litre), ou sur les émissions normalisées de CO2 sur cycle d'homologation (bonus-malus), est une évidente première approche efficace : elle a montré des effets historiques tangibles sur la nature des véhicules proposés par les constructeurs européens et la nature du parc acheté par leurs clients. Cependant, tant l'accroissement moyen de la masse et du gabarit des véhicules, l'émergence de véhicules plus ou moins hybridés, ainsi que l'arrivée de versions entièrement électriques, aux performances affichées parfois surprenantes, nous interroge sur les véritables impacts complets en émissions de gaz à effet de serre des véhicules : qu'en est-il des performances relatives en émissions globales de gaz à effet de serre des véhicules lorsque l'on inclue la conception, la fabrication, les moyens de production des divers carburants dont l'électricité, la mise à disposition de batteries, le recyclage en fin de vie ?
Les valeurs d'émissions de CO2 par km communiquées par les constructeurs et objet de nombreuses taxes et/ou incitations à travers l'Europe correspondent aux émissions du seul gaz CO2 sortant du pot d'échappement, mesurées lors de l'essai normalisé d'homologation du véhicule (dit "NEDC"). Ce dernier correspond à une conduite très calme, sur un trajet type de 11 km réalisé sur banc d'essai à la température de 20 à 30°C, avec des pneus neufs, sans aucun virage ni activation d'accessoires de conduite, et dont la vitesse maximale en fin de cycle est de 120 km/h. Le déchargement partiel de toute batterie au cours de l'essai ne fait pas l'objet dans la procédure d'une correction d'émission pour chercher à la recharger en fin d'essai à son niveau du début. Par rapport au périmètre du Bilan Carbone®, on constate immédiatement qu'il ne prend pas en compte les émissions de conception, de fabrication, d'entretien, de recyclage en fin de vie, ni de l'infrastructure routière, qu'il ne prend pas en compte les émissions amont du carburant (transport, raffinage de carburants liquides, production d'électricité le cas échéant), qu'il ne concerne qu'un seul gaz à effet de serre (les fuites de climatisation en sont absentes), et qu'il se passe dans des conditions plus favorables que dans la vie réelle où la conduite est en général moins souple, et l'activation d'accessoires consommateurs fréquente (éclairage, chauffage, climatisation, essuyage, etc...).
Il s'agit ici de présenter la synthèse d'une estimation de l'impact global d'une berline compacte 5 portes de gamme intermédiaire, de masse à vide 1250 kg, assemblée en France en 2008, de niveau de dépollution Euro 4, exprimée en données moyennes entre diesel et essence. L'estimation du Bilan Carbone® du véhicule est d'environ 55 tonnes équ. CO2 : L'utilisation du carburant par le conducteur du véhicule représente le poste majoritaire. L'essentiel est constitué par du gaz CO2 directement issu de la combustion du gazole ou de l'essence, mais la part des fuites de climatisation (gaz HFC, dont le pouvoir en effet de serre par kg est très élevé) n'est pas négligeable pour autant. Le reste provient de la fabrication et de l'infrastructure (routes, ouvrages d'art, garages, à amortir et à entretenir), de valeur égale en ordre de grandeur. Il est à noter que l''impact des bureaux d'études d'ingénierie et des centres d'essais est très mineur (moins de 1 % du total). Le poste "véhicule" est principalement constitué par la fabrication des matériaux primaires le constituant (acier, plastiques, etc...), sans oublier ses composants électroniques. Etant donné que les postes principaux sont en première approximation proportionnels à la masse du véhicule, qui va de pair avec son gabarit, les bilans carbone® des voitures particulières sont raisonnablement compris dans une plage de valeurs de 30 à 100 tonnes équ. CO2, depuis les petits modèles urbains jusqu'aux SUV les plus imposants.
La problématique de la nécessaire réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre des automobiles transportant des passagers ou "Véhicules Particuliers" peut être exprimée selon l'équation ci-dessous, inspirée de la célèbre "équation de Kaya" : Emissions de GES des VP d'un territoire en une année = Nombre de passagers / Occupation x Masse x (Emissions de fabrication / Masse / Durée de vie + Emission réelle / Emission théorique x Emission théorique / masse x Distances parcourues)
Chacun des facteurs de l'équation correspond à des potentiels de réduction :
- Nombre de Passagers : transfert modal vers les transports en commun, le vélo, la marche
- Taux d'occupation des véhicules : co-voiturage, taxi collectifs
- Masse : réduction des gabarits des véhicules pour se rapprocher du véritable besoin de mobilité des individus et des bagages, qui est un enjeu aussi bien du côté du client, du constructeur, que du législateur (restrictions, incitations, taxation différentielle)
- Emissions de fabrication / Masse / Durée de vie => optimisation des matériaux employés : matériaux moins émissifs, auto-partage, entretien des véhicules (voire remplacement d'organes polluants obsolètes sans destruction du véhicule), taux de recyclage en fin de vie
- Emission réelle / Emission théorique => sobriété de la conduite : éco-conduite, moindre congestion du trafic, limitation des accélérations fortes ou des vitesses élevées
- Emission théorique / Masse => performances utiles du véhicule : sobriété de la motorisation, des accessoires (dont fuites de HFC des climatisations), suppression des performances inutiles en conduite courante, moindre frottements des transmissions et des pneumatiques, nature et élaboration du carburant.
- Distances parcourues : urbanisme moins automobilo-dépendant (distances domicile-travail réduites entre lieux de résidence et bassins d'emploi, proximité de commerces, des établissements scolaires, etc...), avec pourtant un transfert probable d'une partie du tourisme aérien international en tourisme régional, qui les augmentera.
Chaque piste de réduction peut être affectée d'un potentiel et d'une courbe de progression vers celui-ci ; la multiplication ou l'addition de ces gains selon l'équation ci-dessus permet d'appréhender leur effet d'ensemble.
La consommation des véhicules demeure actuellement le poste majeur de leur Bilan Carbone® à améliorer, avec un potentiel certain sur la masse, le gabarit et la modestie des motorisations. L'utilisation de "carburants" alternatifs que sont l'électricité ou les agrocarburants nécessite une approche préalable (elle-même de type Bilan Carbone®) pour juger de leur pertinence comparativement aux carburants fossiles traditionnels (voir page dédiée à la voiture électrique). Pour une approche actualisée et beaucoup plus détaillée, incluant une analyse historique et sociologique de la problématique, se référer à l'essai Airvore ou le mythe des transports propres paru aux éditions Ecosociété en octobre 2022.
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