première diffusion décembre 2009 - dernière mise à jour novembre 2023
La voiture électrique est le véritable phoenix de l'automobile. Relativement concurrentielle à la fin du XIXe siècle, elle a été rapidement supplantée par les modèles à essence de pétrole, moins chers et plus autonomes, quoique bien plus sales et bruyants. Après plusieurs échecs au cours du XXe siècle, elle refait surface sous la pression de la pollution des centre-villes et du contexte climatique, mais avec un fort vent de scepticisme, particulièrement sur ce deuxième point : conduit-elle véritablement à moins d'émissions de gaz à effet de serre ? L'analyse prévisionnelle et estimative de son Bilan Carbone® permet d'estimer son potentiel, qui sera atteint au prix d'une conception au cahier des charges sans concession, fabrication de la batterie et source de production d'électricité de recharge incluses. En négligeant ces paramètres, une voiture électrique peut en effet se révéler pire que les modèles thermiques qu'elle espère remplacer... Par Laurent Castaignède : Intervention "vintage" (2009) : Essai qui actualise et détaille l'enjeu global des transports motorisés : + un essai dédié à la voiture électrique :
Principales hypothèses :
Les hypothèses retenues par la suite relèvent d'une estimation permettant de construire des comparaisons en ordre de grandeur. Tous les calculs sont linéaires : une correction par des données d'entrée conduit à un écart proportionnel du résultat.
Comparativement au Bilan Carbone® d'un véhicule thermique moyen, les émissions du véhicule électrique avant utilisation sont significativement supérieures : en effet sa grosse batterie a un impact carbone de fabrication qui est à elle seule de l'ordre de grandeur de la moitié du reste du véhicule. Les conditions amont de production de l'électricité permettant sa recharge régulière sont alors un sujet particulièrement discriminant. Nous proposons ci-après quatre cas (six en incluant un potentiel changement de batterie), selon les moyens de production d'électricité qui rechargeront les versions électriques.
On constate que la voiture électrique rechargée au charbon est le pire cas (sur ce critère carbone). En revanche la voiture électrique rechargée au renouvelable obtient un excellent résultat, les émissions de fabrication du véhicule et de construction des moyens de production d'électricité associée étant contrebalancés au bout d'environ 40 000 km d'utilisation. Le fait d'éventuellement changer sa batterie n'est pas négligeable mais ne bouleverse pas la donne. Tout l'enjeu de l'empreinte carbone d'un véhicule électrique qui se branche sur le réseau sans avoir anticipé les conséquences du supplément de demande constitué par ses futures recharges est donc celui de la disponibilité spontanée de moyens bas carbone à pouvoir satisfaire cet appétit sans obérer d'autres usages, lesquels seraient obligés de se rabattre sur des moyens plus carbonés, souvent fossiles. On devine sur ce diagramme qu'une voiture qui alternerait les recharges au charbon et celles au renouvelable (ou au nucléaire) disponible se situerait à mi-chemin, donc finalement assez proche de la courbe de la voiture essence hybride. À l'image de certains bâtiments neufs qui cherchent à produire eux-mêmes une partie de l'électricité dont ils ont besoin (voir le dossier technique logement), on constate donc que le couplage de la commercialisation de voitures électriques avec la mise en oeuvre de moyens supplémentaires de production d'électricité, appelée électricité marginale, est un sujet majeur de leur performance. Ces derniers doivent être dimensionnés, et les recharges pilotées, pour permettre d'alimenter l'ensemble du parc en circulation en cohérence avec leur disponibilité. Dans le cas des solutions les plus performantes, il est étonnant de constater que le poste utilisation est alors mineur par rapport au poste de fabrication, ce qui est l'exact inverse de la situation actuelle.
Le Bilan Carbone® de la voiture électrique n'est donc pas nécessairement meilleur, ni nécessairement pire, que celui du véhicule thermique (essence ou diesel) qui lui est concurrent. Cela dépend en premier lieu des moyens de fabrication de l'électricité supplémentaire qui la rechargera effectivement et de son taux d'utilisation (permettant d'amortir plus ou moins rapidement, ou bien jamais, le surplus dû à la fabrication de la batterie). Une forte réduction de l'empreinte carbone peut être envisagée au prix d'une limitation particulière des émissions de fabrication de la voiture, de sa batterie, et de la mise en place de moyen de production d'électricité supplémentaire à bas carbone en parallèle de la mise en circulation. Sans contrainte de fabrication ni appui de production spécifique d'électricité évitant le recours par défaut au charbon, il existe donc de très nombreuses situations où l'électrification du parc des véhicules conduit à une augmentation globales des émissions de gaz à effet de serre. Alors que dans le cas des véhicules thermiques (essence ou diesel), c'est l'utilisation du carburant qui est le facteur déterminant des émissions et l'objet de taxes et autres incitations, cela peut devenir le poste fabrication dans le cas d'une voiture électrique, sous réserve qu'elle dispose de moyens de production d'électricité bas carbone dédiés. Cela signifie aussi que la masse de la voiture électrique est un autre sujet clé, tant dans sa capacité à mobiliser, voire gaspiller, des ressources métalliques critiques, que dans celle de surconsommer des nouveaux moyens de production d'électricité renouvelable, parfois complexes à mettre en oeuvre en masse. Enfin, tout ce raisonnement suppose la substitution d'une voiture thermique par une voiture électrique de même gabarit, dans une approche calculatoire assez fermée. Dans la réalité, il se pourrait que de nombreuses nouvelles voitures électriques s'additionnent au parc existant en l'augmentant, voire rendent disponible davantage de carburant pour un parc de voitures thermiques dont la contrainte de sobriété pourrait être amoindrie... Pour aller plus loin, lire La ruée vers la voiture électrique - Entre miracle et désastre (Écosociété, oct. 2023).
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